DOMINIQUE MARCHAIS – LA RIVIÈRE
La Rivière – 2023 – Dominique Marchais
Entre Pyrénées et Atlantique coulent des rivières puissantes appelées gaves. Ce flux circule dans le chant de l’eau des torrents rebondissant, s’appauvrit aussi, les nappes phréatiques sont en alerte. Les champs de maïs les assoiffent, les barrages bloquent la circulation du saumon, les nuées d’insectes se font rares, les truites ne se reproduisent plus, les papillons ne sont plus en nombre et en variétés, le chant des oiseaux s’éteint. L’activité humaine bouleverse le cycle de l’eau et la biodiversité de la rivière.
De cette nature incroyablement belle, des veilleurs, acteurs passionnés essayent de connaître, comprendre, protéger toujours plus ces gaves et leur environnement menacés sans illusion sur les décisions des politiques.
Cachée dans les plis de la beauté d’un paysage, la rivière. Partie visible du réseau hydrographique qui se poursuit sous terre et dans l’air. Loin des promeneurs, la caméra seule regarde, se concentre sur chacun des intervenants à la découverte de leurs compétences, au fil de l’eau.
Du collecteur de déchets plastiques repères de dangereux polluants, au chercheur pistant la boite noire des saumons : l’otolithe qui livre leurs périples grâce à sa composition. En passant par le responsable du Parc national des Pyrénées, arpenteur de l’eau à la recherche des paysages de son enfance saisissant ce qui disparaît progressivement, à l’étudiante de l’ENS dans le glacier des Oulettes à la source du gave ou à la pêcheuse après son travail au plus près de la rivière, tous font surgir du visible ce qu’il nous cache. Le drame s’y joue dans l’invisible, l’infra-paysage.
Dominique Marchais d’un regard sensible, troublé par les destructions subies, éveille la beauté des paysages de sa caméra. L’eau trace sa ligne, épousant les courbes de la terre, portant la vie qui s’épanouit encore, dans un trou de verdure, le balancement des arbres, le battement des ailes des quelques papillons.
Il tisse dans le même temps des liens invisibles entre ceux qui ne se connaissent pas mais sont animés par les mêmes préoccupations (**) Espérant peut être que la communauté de pensée ainsi se créée, évolue vers une action commune tenant compte des enjeux environnementaux complexes.
Un film à ne pas manquer !
© Crédits Photos Météore Films
Sabine Vaillant
Couleur Bulle
- La Rivière – 2023 – Dominique Marchais
France – 1 h 44
Image : Martin Roux
Son : Mikaël Kandelmann et Guillaume Valleix
Sortie nationale : 22 novembre 2023
Production : Zadig Films
Distribution : Météore Films
Avec :
– Manon Delbeck : travaille pour une association de pêche du Pays basque et veille sur des dizaines de kilomètres de linéaires de rivières
– Patrick Nuques : ancien «garde-pêche», un des directeurs du Parc National des Pyrénées
– Philippe Garcia : ancien : ingénieur et chirurgien ophtalmo, fondateur d’associations, se bat au niveau européen pour faire appliquer le droit sur le sol national, et plus encore pour un renforcement du droit en faveur de la protection des réserves halieutiques,
– Gilles Bareille : chercheur CNRS, géologue et biogéochimiste, travaille sur la pierre d’oreille des poissons (otolithe)
– Florence Habets : chercheuse CNRS, et professeure à l’ENS (Ecole Normale Supérieure), hydrogéologue et climatologue
– Jon Harlouchet : éleveur bio au Pays basque, a relancé la culture d’une ancienne variété locale de maïs, le Grand roux
– Pierre-Yves Gourvil : naturaliste, travaille au Conservatoire d’Espaces Naturels Nouvelle-Aquitaine, inventorie les papillons de jour comme de nuit.
- PRIX JEAN VIGO (*)
Malgré les grèves au Centre Pompidou, les Prix Jean Vigo ont été enfin remis par Agathe Bonitzer et Judith Godrèche ce 21 novembre 2023 à 19 h 30 au Centre Wallonie Bruxelles de Paris.
Le Prix Jean Vigo du long métrage a été attribué à DOMINIQUE MARCHAIS pour LA RIVIÈRE ; le Prix Jean Vigo du court métrage à JULIA KOWALSKI pour J’AI VU LE VISAGE DU DIABLE et le Vigo d’honneur à CLAIRE SIMON. Hommage à SOPHIE FILLIERES Prix Jean Vigo du court métrage 1992 pour DES FILLES ET DES CHIENS, bijou drôle et incisif de cinéma à voir et à revoir.
- (**) LIVRE
Dominique Marchais, le temps du regard – Éditions Playlist Society Essai et entretien avec Quentin Mével et Stratis Vouyoucas.
Un essai qui trace le cheminement de sa pensée de l’écologie, une question de regard, dans la ligne des rivières. Une analyse dynamique de ses œuvres cinématographiques traversée par la question du paysage et de sa possible disparition. Le regard d’un cinéaste portée par la beauté, la fragilité du monde et la colère devant l’univers des possibles de sa destruction. Mais aussi pénétrée de la question politique, de la nécessité de rendre visible.
Dominique Marchais, le temps du regard, un livre aux références enthousiasmantes, pour trouver sa juste place face aux menaces sur l’environnement, dessiller le regard face aux attaques qu’il subit pour entrer dans une logique de protection. Et ancrer la connaissance, la raison, la réflexion aux archipels de la défense de l’environnement pour parler d’une voix ferme et puissante.
Dominique Marchais, le temps du regard un livre précieux, à lire pour saisir l’urgence de notre monde dans la suite de La Rivière à travers les enjeux esthétique et politique de sa vision de l’écologie.
- DOMINIQUE MARCHAIS
Études de philosophie à l’université Sorbonne-Paris 4. Critique de cinéma de 1994 à 1998 Les Inrockuptibles. Sélectionneur pour le festival du film de Belfort – Entrevues 1998 à 2002. Pensionnaire cinéaste à la Villa Médicis en 2003.
Signe son premier film en 2003 : Lenz échappé, court métrage consacré au poète Lenz (d’après une nouvelle de Georg Büchner) qui inaugure une réflexion sur le paysage qui s’est poursuivie avec les films suivants.
- FILMOGRAPHIE
2023 : LA RIVIÈRE
Festival La Rochelle Cinéma 2023 – Dominique Marchais Prix Jean Vigo 2023
2017 : NUL HOMME N’EST UNE ÎLE
Entrevues, Festival de Belfort 2017 – Grand Prix Nul homme n’est une île est un voyage en Europe, de la Méditerranée aux Alpes, où l’on découvre des hommes et des femmes qui travaillent à faire vivre localement l’esprit de la démocratie et à produire le paysage du bon gouvernement. Des agriculteurs de la coopérative les Galline Felici en Sicile aux architectes, artisans et élus des Alpes suisses et du Voralberg en Autriche: tous font de la politique à partir de leur travail et se pensent un destin commun.
2014 : LA LIGNE DE PARTAGE DES EAUX
Festival international du film de la Roche-sur-Yon Entrevues, Festival de Belfort La ligne de partage des eaux s’inscrit dans le périmètre du bassin versant de la Loire, de la source de la Vienne sur le plateau de Millevaches jusqu’à l’estuaire. Ce n’est pas seulement cette ligne géographique qui sépare des bassins versants mais elle est aussi la ligne politique qui relie des individus et des groupes qui ont quelque chose en partage.
2010 : LE TEMPS DES GRÂCES
Festival international du film de Locarno États généraux du documentaire, Lussas Entrevues, Festival de Belfort Une enquête documentaire sur le monde agricole français aujourd’hui, à travers de nombreux récits: agriculteurs, chercheurs, fonctionnaires, écrivains… Un monde qui parvient à résister aux bouleversements qui le frappent – économiques, scientifiques, sociaux – et qui, bon gré mal gré, continue d’entretenir les liens entre générations. Un monde au centre d’interrogations majeures sur l’avenir.
2003 : LENZ ÉCHAPPÉ – COURT MÉTRAGE
Festival du film de Vendôme 2004 – Prix spécial du jury Festival international du court-métrage de Clermont-Ferrand Entrevues, Festival de Belfort
RÉTROSPECTIVE
À l’occasion de la sortie du film La Rivière, deux rétrospectives de son travail ont été organisées en sa présence : au FIFIB à Bordeaux du 18 au 23 octobre 2023 et au Centre Pompidou avec la BPI, à Paris du 10 au 13 novembre 2023.
- (*) PRIX JEAN VIGO
Créés en 1951, les Prix Jean Vigo distinguent l’indépendance d’esprit, la qualité et l’originalité des cinéastes de court et long métrages. Plutôt que saluer l’excellence d’un film, le Prix Jean Vigo tient à remarquer un auteur d’avenir, à découvrir à travers lui une passion et un don. Le “Vigo » n’est pas un prix de consécration mais un prix d’encouragement, de confiance. Un pari.
En 2022
Le Prix Jean Vigo du long métrage a été attribué à ALICE DIOP pour Saint Omer ; le Prix Jean Vigo du court métrage à VIRGIL VERNIER pour Kindertotenlieder et le Vigo d’honneur à JACQUES NOLLOT